Modulation de la lympho-hématopoïèse par les cytokines biothérapeutiques

 Etude des activités extra-érythroïdes de l’érythropoïétine (EPO)

Cet axe concerne l’étude de l’action de l’érythropoïétine sur les cellules/lignées non érythroïdes et son impact en tant que facteur de risque chez les patients traités par des EPO-mimétiques ou présentant un stress hypoxique à l’origine d’une augmentation endogène d’EPO.  Il se décline en quatre sous-axes.

Identification du rôle de l’érythropoïétine dans la régulation de la masse plaquettaire

Nous nous sommes intéressés au rôle physiologique de l’EPO dans la mégakaryopoïèse. L’objectif était de décrypter l’interaction entre les voies EPO/EpoR et TPO/Mpl tout au long de la différenciation plaquettaire. Nous avons démontré que l’EPO était le facteur majeur régulant la thrombopoïèse résiduelle chez les souris TPO -/- et Mpl-/- (KO génétiques pour le ligand TPO ou son récepteur Mpl) chez lesquelles il persiste 20% de production plaquettaire malgré l’abolition complète de l’axe TPO/Mpl. Nous avons ensuite montré que la voie EPO-EpoR, en raison de son action proéminente sur la mégakaryopoïèse tardive, était le principal régulateur physiologique de la production de plaquettes de grande taille, tandis que la voie TPO-Mpl favorisait la production des plaquettes de petite taille.

Nous avons également montré grâce à des lignées mégakaryoblastiques humaines et à des mégakaryocytes (MK) humains primaires, que l’action séquentielle de la TPO et de l’EPO au cours de la différenciation mégakaryocytaire était régulée par une expression différentielle de EpoR et Mpl tout au long du processus de ploïdisation des MK. Ces données sont les premières à démontrer un rôle de l’EPO (dont la production est inversement corrélée à la pression en oxygène), dans la régulation physiologique de la production de grandes plaquettes hyperactives. Nous avons de plus, mis en évidence une signature transcriptomique du risque thrombotique associé à la production endogène d’érythropoïétine ou à l’administration exogène d’EPO-mimétiques. Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives pour la prévention et le traitement des thromboses.

 Lire l’article dans Experimental Hematology (S. Hacein-Bey-Abina et al, 2020 Experimental Hematology).

Etude du rôle de l’érythropoïétine sur la différenciation lymphoïde B en situation d’hématopoïèse de stress

Nous avons montré que des souris traitées à l’EPO manifestent un blocage de différenciation B précoce, in vivo dès le stade proB. Afin d’approcher les mécanismes impliqués, nous avons réalisé une étude transcriptomique comparative, sur puce Affimetrix Clariom S, des précurseurs B médullaires purifiés (pro-B, pré-BI, pré-BIIL et pré-BIIS) à partir de la moelle osseuse de souris traitées à l’EPO. L’analyse des données au stade pré-BIIL (CD19+ B220+ c-kit sIgD sIgM CD25+ SSChigh) a mis en évidence une signature myélo-monocytaire associée à l’expression de gènes spécifiques des progéniteurs érythroïdes et mégakaryocytaires (ou signature de type MPP-like). Ces résultats suggèrent une reprogrammation du stade engagé lymphoïde B vers un stade plus immature. De plus, le lien physiologique qui existe entre la lignée B et la lignée mono-macrophagique, nous a conduit à explorer l’action de l’EPO en amont des progéniteurs B, au niveau de tous les stades hiérarchiques de l’hématopoïèse. Cette cartographie phénotypique approfondie n’a pas mis en évidence d’effet de l’EPO sur les progéniteurs biphénotypiques capables de s’engager physiologiquement vers la différenciation B ou vers la différenciation monocytaire mais a montré en revanche, une augmentation significative sous EPO des progéniteurs LMPP et CLP. Ce projet est en cours et constitue le projet de thèse de sciences (3ème année) réalisée par Andrada Chiron dans le cadre de son poste d’AHU

Etude du rôle de l’érythropoïétine sur la réponse immunitaire dans un contexte tumoral

Afin d’évaluer le rôle de l’EPO dans la réponse immunitaire anti-tumorale, notre équipe a utilisé un modèle murin orthotopique de cancer du sein triple négatif. Les résultats obtenus au cours des trois dernières années par Stéphanie Bessoles dans l’équipe montrent que le traitement par l’EPO promeut la croissance tumorale par différents mécanismes immunosuppresseurs locaux et systémiques. L’analyse du microenvironnement tumoral a notamment montré un défaut de recrutement des populations immunitaires ainsi qu’un épuisement fonctionnel des effecteurs T, chez les souris traitées à l’EPO.
L’analyse du sang périphérique des souris traitées révèle un profil phénotypique particulier qui pourrait être utilisé comme biomarqueur prédictif de l’impact négatif de l’EPO sur la progression tumorale.
La mise en évidence d’une action immunosuppressive de l’EPO sur le microenvironnement tumoral permet d’éclairer d’un jour nouveau les observations de croissance tumorale et d’échappement à la chimiothérapie/immunothérapie des patients atteints de cancers et suppléés par de l’EPO pour traiter leur anémie.
Ces résultats sont en cours de publication (S.Bessoles et al, Immunology 2024.

Exploration du rôle de l’érythropoïétine sur l’immunité digestive et le microbiote

Nous avons étendu l’exploration que nous menons sur le rôle de l’EPO sur la réponse immunitaire antitumorale à l’analyse du compartiment intestinal aussi bien sur son versant immunologique que microbiotique étant donné l’importance que revêt l’homéostasie digestive dans le contrôle de la réponse immunitaire. De plus, plusieurs études suggèrent un rôle de l’EPO sur le tractus digestif, notamment dans la régulation de l’intégrité de la barrière intestinale et de la translocation bactérienne. Guillaume Sarrabayrouse a mis en évidence une augmentation du nombre de colonies bactériennes dans les selles des souris traitées à l’EPO ainsi qu’une diminution significative de certains effecteurs immuns au niveau de l’iléon et du colon des souris supplémentées. Cette exploration se poursuit et fait l’objet de la thèse de sciences (1ere année) menée par Corentin Joulain (bourse obtenue auprès de l’Ecole Doctorale HOB (Hématologie Oncogénèse et Biothérapies-UP Cité).Les conséquences thérapeutiques de l’impact de l’EPO sur la composition du microbiote sont importantes, en particulier chez les patients atteints de cancers pour lesquels le lien entre dysbiose (secondaire à une sur-représentation de certains phylum bactériens) et résistance aux traitements par les ICI (Immune Checkpoints Inhibitors) a clairement été identifié. La démonstration d’une action de l’EPO sur le microbiote et/ou sur la composition des effecteurs immuns du tube digestif permettrait un suivi personnalisé de ces patients à travers une étude de leur microbiote au cours de leur traitement anti-cancéreux.

 

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